Pour l’homme qui préside aux destinées du Cameroun depuis 1982, l’esprit d’ouverture et du dialogue national ne fait pas partie intégrante du mode de gouvernance. Il faut remonter à 28 ans pour retrouver les traces d’une telle initiative.
En annonçant la tenue d’un « grand dialogue national », le président de la République Paul Biya espère sans doute avoir la main heureuse afin de rééditer le coup de poker gagnant de la conférence tripartite de 1991. Cette année-là, une mobilisation populaire provoquée par le procès d’opposants arrêtés a fini par engendrer les opérations des « villes mortes » qui ont paralysées le pays. Le 30 octobre 1991, feu Sadou Hayatou, Premier Ministre de l’époque ouvre la conférence tripartite gouvernement – opposition et société civile.
La dernière conférence du genre accoucha des élections multipartites très disputées et aboutit à l’avènement de la loi constitutionnelle de 1996. En annonçant la tenue du dialogue nationale, le chef de l’Etat fixe-t-il le cap pour un nouveau toilettage de l’arsenal législatif du pays ? Soucieux d’éteindre un incendie particulièrement violent qui menace la stabilité du pays et rongé par une logique de conflit dont les premières victimes sont toujours les populations civiles, Paul Biya annonce l’idée d’un conclave pour remettre à plat les problèmes urgents qui minent la nation.
Savamment retardé par son auteur qui s’y attendait pour jouer sur les nerfs, le discours du président de la République comporte des points positifs, voire salutaires. Pour réussir à convaincre les acteurs du conflit à se mettre autour de la table, le gouvernement est invité à afficher sa bonne volonté et d’un courage politique. Ayant cédé finalement aux pressions externes, mais surtout au pourrissement de la situation, Paul Biya lâche du leste. Le dialogue convoqué à la fin de ce mois a été avalisé par une large majorité de la classe politique nationale partagée entre l’espoir de participer à une assise nationale sur le devenir de la nation et la peur de devoir hériter d’un fardeau empoisonné.
Ce dialogue doit être inclusif, sachant qu’il n’incombe au gouvernement de veiller à ce que toutes les séances soient retransmises en direct pour garantir la participation de toute la nation ?
annonce Akere Muna dans un communiqué d’une rare fermeté. Aujourd’hui les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, isolées du reste du pays sont le théâtre des multiples atrocités. Destructions des biens, souffrances des hommes et femmes, blessures des âmes, sont les lots quotidiens. Pour juguler cette crise, il importe de retirer tous les obstacles sur le chemin de ce dialogue. Le penchant manipulateur du renouveau qui se nourrit de la passivité des masses camerounaises fait craindre que ce dialogue ne soit qu’un coup de farce.
Dans les différents Etats Major régionaux, l’heure est aux petites tractations sur la formation des représentants. Une liste de représentant de l’Extrême-Nord au dialogue nationale fait déjà polémique et attise la colère et l’indignation des internautes.