Le 13 juin dernier entre 5 heures et 17 heures, les habitants de la petite localité de Didjawa ont vécu le plus long et le plus sombre jour de leur vie. Dans ce petit village de 200 âmes, situé sur le corridor fréquents par les redoutables coupeurs de route, les homicides par arme à feu sont fréquent, mais jamais de cette ampleur. Depuis ce fameux lundi où un individu a pris la vie de 7 personnes parmi lesquelles une jeune fille de 6 ans et le directeur de l’école primaire de ce village, tous les habitants sont plongés dans une profonde consternation.
Les martyrs de Didjawa
En ce 3ème jour du drame, au village Didjawa qui porte encore les stigmates de l’attaque, une dizaine de personnes assises sur la natte assistent aux obsèques pour rendre un hommage aux « martyrs » tombés sous les balles du hors la loi. C’est dans cette bourgade située dans l’arrondissement de Belel, qu’un homme encore non identifié armé d’une kalachnikov a entamé sa folie meurtrière. Bilan de l’attaque à ce jour, quatre morts sur le carreau et 3 personnes qui ont succombé à leurs blessures.
L’homme devenu le fugitif le plus recherché avait pris en otage le village semant la terreur sur son passage. Dans son carnage, et sans raison, il va successivement abattre l’imam du village, le directeur de l’école publique Biya Mamoudou, un berger, sa mère et sa fille chez qui il a passé la nuit et qui paye le lourd tribut. « Il ne demande ni argent, il ne prend rien du tout. La seule chose qu’il a demandé c’est le chef du village et ses enfants » confie Hamadjoda Nana, témoin occulaire de la scène macabre.
Un rebelle centrafricain ?
En dépit d’une présence des éléments du BIR, et du BIM qui sillonnent régulièrement les coins et recoins de cette partie du pays qui partage sa frontière avec l’arrondissement de Djohong dans le Mbere et par ricochet la République Centrafricaine, l’assaillant a tenu en respect tout le village pendant plus de 10 heures. « il a commencé son carnage ici à Didjawa entre 5 heures et 9 heures 23. Nous avons alerté les gendarmes, malheureusement il pleuvait ce jour » renchérit Bobbo Abdoulaye qui confirme que le premier poste de gendarmerie est situé à 5 Km du village. L’assaillant après avoir commis les meurtres a pris une direction inconnue sans être inquiété.
Vive émotion
Tristesse, désolation, cauchemar et traumatisme, ce sont les sentiments qui dominent dans ce village qui a reçu la visite du préfet de la Vina Yves Bertrand Awounfac. Face à l’autorité et devant l’ampleur de la tragédie, Ibrahima Nacfou fils du chef du village et membre du comité de vigilance fond en larmes « tout a commencé vers 5 heures du matin lorsque l’enfant chez qui l’individu a passé la nuit a alerté son père sur la présence d’un homme inconnu. Face aux menaces proférées par ce dernier, le père demande à son fils de fuir. Une altercation va naitre entre les deux hommes. Ayant entendu les discussions, la grande mère (75 ans) est aussitôt sortie pour raisonner cet homme menaçant qui agite une arme à feu. Il tire sur la vieille femme. Voyant sa mère à terre le père de la maison bondit sur lui, mais il est aussitôt fauché par un coup de feu. Il tire ensuite sur sa femme et sa fille » témoigne celui qui a échappé aux balles de l’assaillant.
Des blessés en attente d’évacuation
Les survivants de la tuerie qui sont sous surveillance médicale qui nécessitent une prise en charge chirurgicale ont reçu la visite du préfet de la Vina venu s’enquérir de leur état et leur transmettre la compassion du gouvernement « Nous avons reçu dans nos service 4 patients dont deux décès. Une jeune fille de 6 ans qui est décédée très précocement au moment de réanimation et un deuxième. Nous avons en ce moment dans nos services 2 malades que nous essayons de stabiliser. En terme de plaie balistique les choses pourraient se détériorer vite on les surveille en attendant une évacuation vers Yaoundé » fait savoir Armand Foguem, médecin en service dans ledit hôpital.
Hadidja, le visage des survivants
Le visage fermé, Hadidja est l’une des deux personnes encore en vie ayant survécu à l’attaque meurtrière survenue dans son village. Elle est l’unique survivante d’une famille composée de 5 personnes. Son mari, sa belle-mère ont été froidement abattus sous ses yeux alors qu’elle a perdu sa fille agée de 6 ans qui n’a pas survécu à ses blessures à l’hôpital régional de Ngaoundéré.
Un fantôme doté de pouvoirs mystiques
Depuis qu’il a commis ces massacres, l’individu qui s’exprime en fulfulde et en arabe court toujours. Les villageois encore sous le choc sont sans nouvelles de l’assaillant qui a pris la vie de leurs fils, parents et amis. « Il est doté de pouvoirs mystiques, il est capable de disparaitre et de réapparaitre » martèlent les habitants qui ont croisé son chemin. « Quand je suis arrivé, mon père m’a dit qu’il y’a un coupeur de route qui a passé la nuit chez le berger, alors on a alerté les FMO comme ils ne sont pas venus, le père a engagé le comité de vigilance pour suivre les traces. Subitement on entend un coup de feu vers le bas, alors on se dit peut être que ce sont les éléments du BIM qui ont tiré. Mais c’est toujours lui qui a continué à tuer plusieurs personnes » déclare Bobbo Abdoulaye natif de Didjawa
Coupeurs de route
Pour l’heure une véritable chasse à l’homme est lancée par les forces de défense et de sécurité pour mettre hors d’état de nuire l’assassin dont les motivations restent inconnues. Au-delà du drame atroce qui frappe le département de la Vina et plus largement la région de l’Adamaoua, ce nouveau fait divers du genre remet au goût du jour l’incapacité des forces de l’ordre déployées sur place à venir à bout du phénomène de coupeurs de route.